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Chronique

Rejoindre l’AES: la stratégie de Faure Gnassingbé pour son rêve de président à  vie ?

Par
Paul Arnaud DEGUENON
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Le Togo envisage la possibilité de rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES), une organisation formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cette ouverture a été annoncée par Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères togolais, lors d’un entretien avec la chaîne VoxAfrica. Si cette éventualité suscite des espoirs en termes de coopération et d’intégration économique, elle n’est pas sans poser des défis d’ordre sécuritaire, diplomatique et économique. De plus, elle révèle un calcul politique destiné à protéger la longévité du pouvoir de Faure Gnassingbé dans un contexte de fortes tensions internes.

Le Togo envisage sérieusement la possibilité de rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupe actuellement le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cette déclaration a été faite par Robert Dussey, le ministre des Affaires étrangères togolais, lors d’un entretien avec la chaîne VoxAfrica. Il a souligné que la décision finale dépendrait du président de la République et du Parlement, mais a ajouté que ce n’était « pas impossible » et que la population togolaise serait probablement favorable à cette adhésion

Une ouverture vers une alliance inédite

L’Alliance des États du Sahel, créée par des régimes militaires en rupture avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), se présente comme une alternative aux cadres traditionnels de coopération régionale. L’AES ambitionne de répondre aux défis pressants auxquels font face ses membres, notamment les menaces terroristes et les tensions sociales exacerbées par une situation économique fragile. Envisager une adhésion à cette alliance traduit pour le Togo une volonté de diversifier ses partenariats stratégiques tout en répondant à des impératifs nationaux et régionaux.

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Le port de Lomé pourrait notamment jouer un rôle de premier plan. En offrant un accès maritime aux pays enclavés de l’AES, tels que le Mali, le Niger et le Burkina Faso, le Togo pourrait s’imposer comme un maillon clé des échanges commerciaux de la sous-région. Cette perspective économique renforcerait non seulement la position du Togo au sein de l’alliance, mais aussi son rayonnement en Afrique de l’Ouest. De plus, Lomé, connu pour sa diplomatie active et son rôle de médiateur dans plusieurs crises régionales, pourrait apporter à l’AES une crédibilité supplémentaire sur la scène internationale.

Les implications géopolitiques pour le Togo

Cependant, intégrer une alliance qui se veut une alternative à la CEDEAO comporte des risques considérables. La rupture entre l’AES et la CEDEAO est symptomatique de divergences profondes, notamment en matière de gouvernance, de gestion des crises sécuritaires et de rapports avec les anciennes puissances coloniales. En rejoignant l’AES, le Togo s’exposerait à des tensions diplomatiques, voire à un isolement relatif au sein de l’espace ouest-africain, où la CEDEAO reste un acteur central.

Les conséquences économiques d’un tel repositionnement ne sont pas à négliger. Une éventuelle dégradation des relations avec la CEDEAO pourrait priver le Togo des avantages liés à son appartenance à cette organisation, notamment en matière de commerce régional et de mobilité des personnes et des biens. Par ailleurs, les sanctions économiques imposées par la CEDEAO aux membres de l’AES, en réponse à leur retrait, pourraient compliquer davantage les échanges entre le Togo et ses voisins.

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D’un point de vue sécuritaire, l’intégration à une alliance centrée sur le Sahel pourrait également exposer le Togo à des risques accrus. Bien que le pays soit déjà confronté à des incursions jihadistes dans sa région septentrionale, sa participation à l’AES pourrait en faire une cible prioritaire pour des groupes armés cherchant à déstabiliser la région. Cette situation exigerait un renforcement conséquent des capacités militaires togolaises, ce qui représenterait un investissement important dans un contexte économique déjà contraint.

Protéger un pouvoir contesté

Au-delà des intérêts stratégiques, cette volonté d’intégrer l’AES semble également motivée par des considérations politiques internes. Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, fait face à une contestation croissante au sein de la CEDEAO, où sa longévité au pouvoir et ses manÅ“uvres politiques suscitent de plus en plus de critiques. Cette défiance est alimentée par son intention perçue de se maintenir indéfiniment à la tête du pays, une ambition renforcée par la récente réforme constitutionnelle de la Cinquième République.

Ce passage d’un régime présidentiel à un régime parlementaire est souvent interprété comme une stratégie visant à affaiblir les contre-pouvoirs institutionnels et à consolider l’influence de Gnassingbé sur les structures de gouvernance togolaises. En réduisant les contraintes légales sur la durée de son mandat, il s’assure un contrôle durable sur l’appareil d’État, tout en limitant les contestations internes.

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Dans ce contexte, l’AES apparaît comme une échappatoire potentielle pour Faure Gnassingbé, lui permettant de s’éloigner des pressions exercées par la CEDEAO et de s’aligner avec des régimes partageant des approches similaires en matière de gouvernance. L’adhésion à une alliance regroupant des pays en conflit ouvert avec les institutions régionales pourrait également renforcer son pouvoir en interne, en s’appuyant sur une rhétorique de souveraineté et de lutte contre l’ingérence extérieure.

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