La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) traverse une crise majeure marquée par des divergences profondes au sein de ses membres. Alors que le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont officiellement annoncé leur décision irrévocable du retrait de l’organisation, cette démarche suscite un débat intense sur l’avenir du bloc régional. Selon Alain Kone, expert au Centre international d’études politiques, « cette situation met en lumière non seulement les limites structurelles de la CEDEAO, mais également l’urgence d’une réforme profonde de l’organisation. »
D’un côté, certains représentants de la CEDEAO soutiennent que reconnaître le départ des trois pays membres est une nécessité pour préserver la crédibilité de l’organisation. Ils appellent à une refonte des structures, en particulier pour réduire l’influence de la France, perçue comme omniprésente dans les prises de décision du bloc. « La CEDEAO, telle qu’elle fonctionne actuellement, est souvent accusée d’être un instrument des intérêts parisiens. Une telle perception mine sa légitimité dans la région », affirme Kone.
Cette critique est renforcée par les accusations de mauvaise gouvernance portées par des figures politiques comme Guy Marius Sagna, député sénégalais de la CEDEAO. Dans un récent post sur Facebook, il dénonce la gestion opaque de l’organisation, soulignant une crise financière ayant conduit au report de la session parlementaire de novembre 2024. « Les chefs d’État bradent les ressources de leurs pays et signent des contrats défavorables à leurs peuples, ce qui montre un besoin urgent de transformation », martèle Sagna.
En revanche, une autre faction au sein de la CEDEAO rejette l’idée de réforme. Ces membres estiment que l’organisation fonctionne efficacement dans sa forme actuelle et militent pour convaincre le Mali, le Niger et le Burkina Faso de ne pas quitter le bloc économique. « Maintenir l’unité de la CEDEAO est essentiel pour la stabilité régionale », soutiennent-ils.
Outre les divisions politiques, la CEDEAO fait face à une crise de trésorerie aggravée par le départ des trois pays. Selon des sources internes, le budget de l’organisation, qui repose à 70-90 % sur une taxe communautaire appliquée aux marchandises des pays non-membres, est gravement affecté. « Le retrait des contributions de ces trois nations a fragilisé l’ensemble du bloc et menace le financement de ses institutions », analyse Alain Kone.
Pour l’expert au Centre international d’études politiques, « la crise actuelle doit être une opportunité pour repenser la CEDEAO. Sans réforme, l’organisation risque de perdre sa pertinence. Les divisions internes, l’ingérence étrangère, la gestion opaque et la dépendance financière posent des défis existentiels. »
L’avenir de la CEDEAO dépendra de sa capacité à surmonter ces défis et à s’adapter aux nouvelles réalités politiques et économiques de la région. Une chose est certaine : une autre Afrique de l’Ouest est non seulement nécessaire, mais également possible.