Force de proposition depuis des lustres au Bénin, et acteur de conciliation de premier plan, l’Eglise Catholique du Bénin ne se lasse par temps d’incertitudes de donner de la voix dans le débat public pour apporter la lumière dans les esprits et l’espérance dans les cÅ“urs.  Un  exercice auquel elle se prête assez souvent  dans sa mission pastorale ou de façon diplomatique et par moment de veille citoyenne en public avec tact.
Le rôle joué à l’historique Conférence des forces vives de la Nation de février 1990, socle de l’avènement du renouveau démocratique dans le pays, par l’entremise de Monseigneur Isidore de Souza, reste évocateur et indélébile. Son «Â péché » est d’avoir sonné l’alerte sur les tendances lourdes qui pointent à l’horizon 2026 dans le ciel politique béninois.
D’inviter à s’assoir pour écrire un vivre ensemble en « Alafia » en lieu et place du « Wahala », pour qu’on lui tombe dessus à bras raccourcis, au motif de trop se mêler de ce qui ne le regarde pas. Le destin de l’oracle est de subir parfois la foudre du souverain. Tant sa prédiction, et ses recommandations n’emportent pas toujours l’assentiment de ce dernier. Mais sa sagesse et sa clairvoyance restent sans appel.
L’Eglise Catholique du Bénin n’en fait-elle pas un peu trop ?
Les signaux et les retours qui lui parviennent ne sont pas de nature à présager des lendemains apaisés à la Nation Bénin dans son esprit au vrai sens du thème. L’adoption du nouveau code électoral révisé aux aspirations de la mouvance au pouvoir, ont forcé son activisme.
Ouvertement, il lui a été reproché de n’avoir pas circulé étroitement dans son couloir pour laisser libre cours aux politiciens, notamment de la mouvance disposant d’une majorité confortable au parlement, s’occuper de ce qui est de leurs prérogatives. Quitte à exercer leur mandat représentatif à leur bon vouloir et qu’à terme les populations en jugent de la suite.
Et pour cause, de concert avec les autres confessions religieuses et  organisations de la société civile, elle s’est flanquée d’un communiqué pour inviter à tenir compte de l’intérêt général lors de l’adoption du nouveau code électoral. Malgré son insistance, le contenu de la loi promulguée par le président Patrice Talon le mardi 19 mars dernier l’a amené de guerre lasse à prendre d’autres initiatives.
Le jeudi 25 avril au Palais des Congrès de Cotonou, l’Aumônerie des Cadres et Personnalités politiques, sous la supervision de la Conférence Épiscopale du Bénin a organisé un colloque sur ladite loi électorale. «La modification du Code électoral au Bénin de 1990 à aujourd’hui : le Code électoral, le vivre-ensemble et la participation de tous à la construction de la Nation. Contribution de l’Église à la paix sociale pour des élections véritablement démocratiques en 2026Â », était le thème.
Les travaux ont été meublés par des communications et débats conduits par des experts nationaux et internationaux, en analyse électorale, pour permettre de mieux comprendre les enjeux dudit Code électoral dans sa forme actuelle. Mais également, cerner les inquiétudes objectives qu’il suscite afin de faire des propositions concrètes pour préserver la paix et le vivre-ensemble au Bénin.
Alors qu’est-ce qui dérange ?
La caractéristique principale d’un colloque est sa nature scientifique, à même de mettre d’accord de potentiels antagonistes. Ainsi, une initiative qui se veut être une rencontre scientifique visant à contribuer à faire prendre conscience que la conditions sine qua non du vivre-ensemble, de la paix et de la participation de tous, à chance égale, à la vie sociopolitique et économique est l’âme de toutes lois, mesures et actions de développement national et par conséquent le Code électoral, n’est pas de nature à plaire à qui n’y a pas intérêt.
Alors, à défaut d’avoir des arguments probants pour défendre sa thèse, les voies de raccourcis sont les bienvenues. Quitte à discréditer ou tourner en dérision toute aventure ne s’alignant pas sur la sienne.
Les trois fonctions de l’Église étant sacerdotale, prophétique, et pastorale, reprenant les trois fonctions du Christ, à la fois prêtre, prophète et roi ; retoqué de trop se mêler de ce qui ne le regarde pas, le clergé béninois décline sa mission de tous temps et sous tous les cieux face aux accusations et autres allégations à son endroit.
«L’Église, de tout temps et par son essence, a une mission prophétique d’éveil des consciences à laquelle elle se doit de rester fidèle» rappelle la Conférence épiscopale du Bénin face aux diverses interprétations suscitées par l’initiative au terme de la troisième session plénière ordinaire de l’année pastorale 2023-2024 en mai dernier.
Pourquoi n’avoir pas choisi autres alternatives ?Â
A la stratégie du sapeur-pompier, alors qu’on aurait pu prévenir le mal, l’Eglise Catholique du Bénin a préféré la pro-activité.
Depuis que les Organisations de la société civile sont en berne sur la vie sociopolitique au Bénin, où pour un Oui ou un Non, on peut être tourné en dérision, où seuls certains peuvent se targuer d’être les plus intelligents et la moindre contradiction, quelle fut-elle peut vous faire attribuer le titre d’opposant, le besoin se fait de la nécessité d’une troisième voix qui évite d’aller à la dérive.
A travers son initiative, l’Eglise catholique du Bénin n’entend apporter aucune solution technique, ni imposer aucune solution politique. Mais plutôt accompagner l’État dans sa mission : « Elle veut être comme l’âme de ce corps en lui indiquant inlassablement l’essentiel : Dieu et l’homme ». Chose qu’elle désire accomplir, ouvertement et sans crainte.
« Nous ne pouvons pas rester sans rien faire, ni laisser le peuple béninois aller à son mécontentement, ni les partis politiques aller à leur division. Le devoir est alors grand et nous y sommes tous et toutes conviés. Avant, pendant et au-delà des élections, le vivre-ensemble doit être possible » soutient-elle son initiative par la voix du président de la Conférence épiscopale du Bénin, Mgr Roger Houngbédji, Archevêque de Cotonou.
S’agit-il pas d’un choix délibéré d’une cause perdue d’avance ?
Certainement pas ! Les actes du colloque organisé par l’Eglise Catholique sur la modification du Code électoral au Bénin sont officialisés le jeudi 20 juin. Huit recommandations sont formulées et aucune d’elles n’est superflue.
Sans injonction ni laxisme mais avec exhortation, les mots sont choisis et les attentes exprimées. Aux larmes de crocodiles et sourires dents jaunes, l’Eglise a préféré prendre sa croix et la porter afin de conjurer le mauvais sort.
Face à l’enjeu le clergé béninois a joué sa partition et la balle est désormais dans le camp des politiques, notamment l’opposition dans une moindre mesure, principalement le gouvernement et la mouvance au pouvoir. Et quoi qu’on dise d’eux, les « hommes de Dieu » restent ce qu’ils sont. « Aussi grand que sont nos rois, ce sont des hommes ».
Peut-on espérer une réponse favorable du pouvoir des recommandations ?
Au Bénin, il y a une phrase qui ne cesse de faire école : « Et pourtant on l’avait prévenu !». Parfois provenant de gens insoupçonnés, qui au temps forts n’ont pas osé lever le moindre petit doigt, et qui sont restés silencieux sans mot dire ; ou qui applaudissaient à tout rompre.
A titre illustratif, à peine certains remerciés ou leurs distances prises du gouvernement en place, leur langue s’est vite déliée. Au point de laisser transparaitre que leurs alertes n’ont pas été prises en compte en son temps malgré leur insistance. Aujourd’hui, ils passent pour ce qu’ils sont selon l’opinion. Ironie du sort !
Puisque le pouvoir a cette facilité d’emmener certains à caresser le prince dans le sens des poils pour s’enticher de ses grâces, que son réveil se fait si brutal dès qu’il les lâche ou que le pouvoir le lâche.
«Les pires des hommes avisés sont ceux qui entourent les chefs», prévient Massa Makan Diabaté dans »Le Lieutenant de Kouta ». «Si ton ami ne te dis pas la vérité, paie ton ennemi au prix fort pour qu’il te la dise», conseille-t-il.