Joe Biden est-il sur le départ ? C’est la grosse interrogation qui se pose depuis le débat anticipé du duel Biden-Trump , demandé par la Maison Blanche, et qui s’est tenu le jeudi 27 juin 2024. Joseph Robinette Biden, Jr, couramment appelé Joe Biden, du Parti Démocrate, à 81 ans et 46ème président des Etats Unis d’Amérique en fin de mandat et constitutionnellement à même d’être candidat pour un second et dernier mandat, est depuis lors au cÅ“ur de vives polémiques. Et pour cause, sa candidature à la présidentielle de novembre prochain, en lien avec son âge du faits de ses aptitudes ne fait pas l’unanimité au sein de son parti.
Riche d’une carrière politique bien fournie, Biden est sénateur des États-Unis de 1973 à 2009, vice-président des États-Unis de 2009 à 2017 et président des États-Unis depuis 2021.
A quatre mois environ des élections, ce débat organisé par CNN (Cable News Network) et qui a été accepté par le camp des Démocrates, ressort bien d’enseignements.
Président en exercice et constitutionnellement à même d’être candidat pour un second mandat, Biden reste le candidat légitime du Parti Démocrate aux Etats-Unis. Mais face à certaines réalités dont s’en sert si bien son adversaire Trump, les Démocrates ont trouvé la belle issue pour un rabattage de cartes. Un exercice à même de rendre plus acceptable à Biden, la nécessité de céder sa place pour un autre candidat au sein de son parti. Et au pire, relancer la course avant l’heure pour une ascension dans les sondages.
Bien que les responsables Démocrates, si tant est qu’ils le veuillent, ne peuvent pas virer Biden de l’avis de Dominique Simonnet, écrivain et spécialiste des États-Unis, au motif que « Il est le seul à pouvoir en décider et seule son épouse Jill peut le convaincre de se retirer », rien n’est encore joué.
Joe Biden, qui a obtenu le soutien de l’écrasante majorité des délégués lors des primaires et des caucus organisés de janvier à juin dans chaque État, devrait logiquement être désigné. Légalement, rien ne l’empêche de se présenter et ce n’est que le 19 août, lors de sa convention à Chicago, que le Parti Démocrate entérinera le nom de son candidat à la présidentielle. Sauf au cas où il décide de se retirer avant, « le Parti Démocrate pourrait alors mettre en place une procédure pour désigner un candidat qui serait investi en août, ou bien plusieurs candidats entre lesquels les délégués devraient choisir », selon Vincent Michelot spécialiste de l’histoire politique des États-Unis à Sciences Po. Toutefois, un retrait serait même possible après la convention.
Ce débat Biden-Trump est tout de même une pièce à conviction pour plaider une telle issue. Encore qu’un second débat est prévu sur ABC (American Broadcasting Company) le 10 septembre, à deux mois de ce scrutin qui s’annonce très disputé. L’appel au retrait de Biden, s’illustre comme exemple contemporain qui résonne bien au cÅ“ur des démocraties occidentales que tropicales en Afrique.
Orchestration bien réussie ?
Aux Etats-Unis, seuls deux présidents ont renoncé à se représenter depuis le début du XXe siècle. Notamment le Républicain Calvin Coolidge à la fin des années 20 et le Démocrate Lyndon B. Johnson quarante ans plus tard. Cependant, aucun d’entre eux n’avait jeté l’éponge à seulement quatre mois du scrutin.
Biden, bien que constitutionnellement éligible, le débat de renonciation à la candidature pour les élections de novembre prochain n’est pas un tabou au cÅ“ur de son parti. On n’imagine pas un tel scénario en Afrique ou la tendance est plutôt à un maintien hors limite constitutionnelle, avec des orchestrations et schémas de toutes sortes.
La position des journaux Démocrates et la lecture de nombre d’analystes laissent poindre une volonté manifeste de changer de candidat pour les élections de novembre prochain par le Parti Démocrate. Simplement que l’issue reste encore incertaine. On aurait pensée à une mise face à la réalité d’un joker souhaité non partant, alors que c’était l’effet contraire qui était attendu. Pour ce débat pourtant préparé à l’avance, la posture de Biden visiblement ‘’effondré’’ face à Trump, alors que le Parti Démocrate n’a pas encore investi de candidat, n’est pas anodin. Les journaux Démocrates se sont d’ailleurs interrogés sur la possibilité de changer de candidat. Et la capacité de Biden à mener une campagne victorieuse pour un second mandat est remise en question au sein de son propre camp.
La députée Démocrate Angie Craig a appelé le président Joe Biden à se retirer de la course à la présidentielle, déclarant : « Je ne crois pas que le président puisse faire campagne efficacement et gagner contre Donald Trump ».
On s’imagine les différentes contorsions auxquelles se seraient évertués des médias et élus proches du pouvoir sur les tropiques pour justifier une piètre performance de leur champion pour légitimer son maintien de fait. Ici c’est bien le contraire qui s’observe.
Quelques rares espoirs subsistent tout de même avec en Afrique du Sud, Jacob Zuma qui a été évincé par son parti pour des raisons présumées de corruption. Ce genre de situation est peu prolifique voire inexistant que la classe politique africaine qui se plait à jouer sur les textes pour rallonger à durée indéterminée les mandats ou les renouveler à n’en point finir devraient en prendre exemple. Ou encore maintenir un président fatigué par le poids de l’âge ou la maladie. Des exemples sont légions de Robert Mugabe au Zimbabwe, à Paul Biya au Cameroun en passant par Ali Bongo au Gabon.
Des changements de constitution et de mode d’élection comme c’est le cas au Togo où on est passé en une nuit du suffrage universel direct au système parlementaire. Ou encore au Bénin où le code électoral fait l’objet de toutes les attentions. En côte d’Ivoire, on parle de troisième premier mandat. Sans oublier les juntes au pouvoir dans le sahel qui prorogent à leur bon vouloir les transitions.
Il y a des raisons d’inviter les gouvernants et acteurs politiques à forcer l’admiration par l’animation de la vie politique par une bonne pratique démocratique en Afrique. Et non mettre en place des systèmes hybrides qui sont tout sauf démocratiques mais qu’on présente comme tel, comme pour cautionner la boutade selon laquelle « la démocratie est l’organisation des élections », sans tenir compte de leur transparence, régularité et équité des règles du jeu.
Vitalité démocratique ou requiem ?
Il y a environ quatre ans que la démocratie américaine a chancelé. Eprouvée par l’appel de Donal Trump en 2020, où le 6 janvier dans le contexte des contestations des résultats de l’élection présidentielle américaine, des milliers de sympathisants radicaux du président sortant Donald Trump se sont réunis à son invitation pour disent-ils « sauver l’Amérique » (Save America), en dépit de la victoire de son adversaire qu’il refuse de reconnaître et conteste à travers de nombreux recours en justice, dont aucun n’a abouti faute de preuve. De guerre lasse, ils ont pris d’assaut le Capital.
Une image jusqu’ici, qui n’était alors que l’apanage des démocraties du tiers monde. De quoi donner un coup de vieux à la légendaire démocratie américaine.
Un événement sans précédent dans l’histoire du pays et considéré comme une attaque contre la démocratie américaine face auquel le pays a triomphé.
Il illustre tout de même la fragilité de la démocratie dont la survie ne tient qu’à la solidité des institutions, face aux désirs des individus.
SI avec l’attaque du Capitole, la démocratie américaine a tangué mais n’est pas tombée, elle laisse tout de même à désirer sur les leçons souvent faites à l’Afrique. Du moment où au cÅ“ur de cette vielle démocratie, on ait pu arriver à une telle extrémité.
Cependant, elle remet en orbite les valeurs démocratiques, avec les institutions qui non pu être mises entre parenthèse comme c’est souvent le cas sur d’autres continents, l’Afrique notamment.
Une situation qui remet au gout du jour la conception de la démocratie, comme une quête quotidienne et un système sur lequel il faut veiller en permanence. Car, bien qu’étant le meilleur des systèmes politiques, elle reste le plus fragile. A raison, les médias sont investis du rôle, combien capital de gardiens de la démocratie. Aux Etats unis on a vu des médias censurer des propos d’un chef d’Etat, et apporter des preuves contraires d’allégations. Malgré tout cet épisode d’épreuves, c’est la démocratie qui en est sortie victorieuse. Un peu comme pour dire que les épreuves font partie du chemin démocratique, et le plus important est de pouvoir y faire face pour en être victorieux.
Aujourd’hui si Trump peut se prévaloir d’être candidat malgré les procès qui l’accablent, sous les tropiques, il y a longtemps qu’il ne croirait plus en la justice et se serait résolu à l’exil ou carrément serait déjà privé de liberté sans pour autant afficher des velléités de se soustraire à la justice de son pays. Candidat du Parti Républicain, son chalengeur reste encore une énigme.
Position stratégique ou rabattage de cartes ?
Partira ou partira-t-il pas ? Tout ne semble pas joué puisqu’il y a encore quelques incertitudes. Car pour certains de son camp, si Biden l’a fait une fois déjà en battant Trump en 2020, il peut le faire une seconde fois. Mais rien n’est gagné d’avance au regard des sondages.
En meeting à Raleigh, vendredi 28 juin, au lendemain du débat Joe Biden s’est montré plus alerte que la veille lors de son débat face à Donald Trump. Mais la campagne américaine n’étant pas faite que de meeting les débats télévisés restent déterminants. Sur ce point l’énigme demeure et la porte de sortie n’est pas écartée. « Je ne me représenterais pas si je ne croyais pas, de tout mon cÅ“ur et de toute mon âme, que je peux faire ce boulot », a juré Biden lors d’un meeting à Raleigh en Caroline du Nord pour rassurer, excluant pour l’heure un retrait de sa candidature.
S’il y a une différence entre faire campagne et diriger un pays, il y a aujourd’hui des dizaines d’observateurs politiques qui s’accordent à dire que la Maison Blanche est sans doute l’une des plus fonctionnelles de ces vingt dernières années. Les affaires sont traitées, que ce soit à l’international ou à l’intérieur, avec un homme entouré d’une excellente équipe, dans une position de grand sage qui arbitre, analyse Vincent Michelot, professeur d’histoire politique des États-Unis à Sciences Po Lyon.
Si un retrait de Biden est possible légalement, politiquement il semble plus compliqué. La crainte de potentiels candidats à la candidature au cas où Biden se retirerait en raison du coup de projecteur de la présidentielle qui peut se révéler destructeur n’est pas exclu. Des candidats donnés vainqueurs avant de se jeter dans l’arène se sont autodétruit.
Le cas, de Ted Kennedy qui dût se retirer de la course aux primaires Démocrates face au sortant Jimmy Carter en 1980, en raison du scandale de Chappaquiddick qui avait éclaté onze ans plus tôt, est l’un des plus emblématiques.
De quoi relever la préparation des candidats, au-delà d’une simple volonté de remplacement.
Des leçons pour l’Afrique ?
Il est courant de voir des chefs d’Etats en Afrique qui cumulent des nombres ‘’incalculables’’ de mandats ou de révisions constitutionnelles juste pour se maintenir au pouvoir. A priori, s’ils sont responsables d’une telle situation, ils n’en sont pas totalement les seules coupables.
Premièrement, il y a les partis politiques qui ne sont généralement que de nom ou des propriétés privées de tiers. La plupart des partis sont d’ailleurs sous la manette de qui en a les moyens d’en créer et de les financer. Malgré l’avènement du financement public dans certains pays, et des règles de tamis, on n’est pas encore sorti de l’auberge. Certains diront que c’est voir le verre à moitié vide, puisqu’il y a des avancées.
Ce qui fait que du haut de leur pouvoir, des chefs d’Etat n’ont besoin d’aucune caution populaire ou de lever des ressources pour la campagne auprès des militants et sympathisants ou de la caution réelle du parti, qu’une imposition de fait, pour se faire financer leur campagne. Les caisses de l’Etat et les potentiels courtisans sont à disposition. Celui qui détient le cordon de la bourse a le dernier mot, soutient-on. Preuve qu’en réalité lorsque les partis n’en sont pas de véritable, tout y part.
Le second élément est l’entourage des chefs d’Etat. La conception du président, « chef suprême des armées », «père de la Nation », « demi-dieu » et autres subterfuges en Afrique, se résume au fait que nul n’ose défier la volonté d’un chef d’Etat même au sein de son camp et parfois même dans les institutions de l’Etat, malgré l’institutionnalisation de la séparation des pouvoirs. Quelques rares cas sont l’exception qui confirme la règle. Ce, au point de légitimer les coups d’Etat militaires comme la réponse aux coups d’Etat institutionnels, ou constitutionnels.
Bon nombre de réformes cavalières sont conduites dans nombre de pays à la veille des élections. Parfois, ce sont les lois électorales comme le code électoral qui sont révisées dans un seul dessein, et la constitution, principale loi électorale qui consacre la candidature et le renouvellement de mandat. Ceci aux nez et à la barbe d’institutions garantes de la légalité constitutionnelle.
Et pour cause, personne ne s’investi à souffler dans l’oreille du chef que cela ne passe pas et qui faille y renoncer ou agir dans le sens de renforcer les institutions que les fragiliser au point de laisser le pouvoir donner des raisons valables à des « militaires sac au dos » de venir justifier l’injustifiable en toute légitimité et parfois sous le vivat des populations. Par opportunisme ou crainte de représailles.
Avec manière, les Démocrates aux États-Unis sont en train de trouver l’alchimie pour demander à Biden, de prendre la porte de sortie afin de donner plus de chance au candidat du parti. Même si rien n’est encore joué.
Entre légalité, real politique et partis forts, les pays africains doivent s’en inspirer si tant est qu’ils ont fait l’option de la démocratie. Autant d’éléments qui renforcent sur les options à implémenter sur le continent, sans pour autant faire de facto du copier-coller. En dépit de tout, il faudra espérer la réceptivité de ces signaux par les politiques, puisque « la musique n’est rien, si le public est sourd ».