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Chronique

CES et CBDH,  sortez les « indésirables »Â ? (Partie 2)

Par
Anges Banouwin
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Les réformes engagées au CES et à la CBDH dressent le lit à des accointances. Des données permettent de s’en convaincre afin de corriger le tir, face au risque que ces institutions perdent de leur superbe. Au titre des membres du CES sur 9 membres que compte chaque Conseil départemental, 6 sont désignés par le chef de l’Etat et le parlement soit 2/3  de potentiels politiques.

A lire aussi: CES et CBDH,  sortez les « indésirables »Â ? (Partie 1)

Le président du Conseil national du CES, est d’office une personnalité nommée par les politiques, notamment par le chef de l’Etat ou le parlement. Suivant la loi organique adoptée, sur 20 personnes que compte le Conseil National du CES, 5  sont désignés par les politiques. Ce qui voudra dire que le 1/4 de l’institution, est désigné par les politiques, sans compter les 12 potentiels présidents des Conseils départementaux qui peuvent être des personnes désignées par les politiques.

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Une configuration qui laisse présager de la forte tendance politique de l’institution, que ce soit dans ses représentations départementales, qu’au plan national. Ce qui sans doute sera reflété dans son bureau dont le 1/3, notamment la présidence est réservée à une personnalité désignée par les politiques.

A l’aune de ces éléments, la mission que confère à l’institution la Constitution, a de fortes chances de prendre un coup. Surtout lorsque l’installation de ses membres s’aligne sur les élections générales, toutes les composantes de l’institution seront à prédominance sous la configuration  du parlement et de la présidence, avec des clivages en fonction du bord politique ayant le plus de représentativité en son sein.

Quant à la CBDH qu’en est-il ?

Selon l’Article 4 de la Loi N° 2012-36 portant création de la Commission béninoise des droits de l’Homme (CBDH) adoptée le 17 décembre 2012, l’institution  a pour mission, la promotion et la protection des droits de l’Homme sur tout le territoire de la République du Bénin. A ce titre, elle est habilitée entre autre à  donner aux institutions de la République, à la population et à toute structure compétente, des renseignements, des avis et faire des recommandations sur toutes questions relatives aux droits de l’Homme soit par auto saisine, soit à la demande des pouvoirs publics …

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La Commission comprenait 11 membres choisis parmi les personnalités de nationalité béninoise jouissant de leurs droits civils et politiques et connues pour leur probité morale, leur indépendance d’esprit, leur expérience dans leurs domaines respectifs et leur intérêt pour les droits de l’Homme.  

Elle est préalablement composée selon l’Article 6 de l’ancienne loi organique d’un représentant des magistrats désigné par ses pairs ayant au moins quinze ans d’ancienneté ; d’un représentant de l’ordre des avocats désigné par ses pairs ayant au moins quinze ans d’ancienneté ; d’un représentant de l’ordre des médecins désigné par ses pairs ayant au moins quinze ans d’ancienneté ;  de deux membres de l’Assemblée nationale ; d’un représentant d’Organisation non gouvernementale de promotion et de protection des droits de l’Homme désigné par leurs pairs, en tenant compte de la diversité de leur mandat ; d’une représentante élue par les associations féminines de défense des droits de la femme ; d’une  représentante d’Organisation non gouvernementale de promotion des droits de l’enfant ; d’un syndicaliste représentant les centrales syndicales désigné par ses pairs ; d’ un représentant du patronat désigné par ses pairs ; d’un représentant des journalistes (presse publique et privée) désigné par ses pairs.

Qu’est-ce qui a changé ?

Aux termes de la nouvelle loi adoptée le 19 juin 2024, notamment la loi N°2024-22 relative à la Commission béninoise des droits de l’homme en République du Bénin (CBDH) par 81 voix pour, 28 contre et zéro abstention, la Commission béninoise des droits de l’Homme est passée de 11 membres à 07.

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Désormais elle sera composée d’un enseignant de droit, de psychologie ou de sociologie à l’Université ayant au moins 10 ans d’expérience et ayant des connaissances avérées en droits humains ; un avocat ayant au moins 10 ans d’expérience et connaissances avérées en droit pénal ; un médecin ayant au moins 10 ans d’expérience et des connaissances avérées en droits humains ; un expert ayant au moins le niveau BAC+4 et 10 ans d’expérience avec des connaissances avérées en matière pénitentiaire et autres questions de privation de liberté ; un expert ayant au moins le niveau BAC + 4 et 10 ans d’expériences dans la promotion et la protection des personnes handicapées et des personnes vulnérables ; un expert ayant au moins le niveau BAC+4 et 10 ans d’expérience dans la promotion et la protection des droits des femmes et enfin un expert ayant au moins le niveau BAC + 4 et 10 ans d’expérience dans la promotion et la protection des droits des enfants.

Désormais, les membres de la Commission portent le titre de Commissaires. Ils ont voix délibérative et siègent de façon permanente.

Les organes de la commission sont : la plénière, le bureau exécutif, la sous-commission de promotion et de protection des droits humains, la sous-commission de prévention de la torture et d’autres formes de traitement inhumains, cruels et dégradants et le Secrétariat général.

Par ailleurs le Secrétaire général de la Commission béninoise des droits de l’Homme prête serment devant le tribunal d’instance du lieu de siège.

Retour  de la manivelle à la CBDH ?

Exit les représentants des députés et de la Société civile dont celui des journalistes  de la CBDH. On se souvient des rapports sans ambages de la CBDH sur le Bénin au sujet d’évènements et de traitements ayant porté atteintes aux droits humains.

Bien  que selon le rapport de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’Homme de l’assemblée, « la réforme de la CBDH vise à revoir les organes et le fonctionnement de la commission ; à conformer la procédure de sélection des candidats aux principes de Paris et surtout à procéder à la réduction de l’effectif des membres de la CBDH », sa reconfiguration ne passe pas digeste.

Dans le cadre de l’accréditation de la CBDH au statut A, il est évoqué qu’il a été fait au Bénin certaines recommandations relatives aux représentants politiques dans l’institution.

« Les représentants du gouvernement et les députés ne devraient plus être membres des institutions nationales des droits de l’Homme ni participer aux prises de décisions. Leur appartenance et leur participation aux décisions prises par les organes de l’institution nationale des droits de l’Homme peuvent avoir un impact sur l’indépendance réelle et perçue de l’institution nationale des droits de l’Homme», a souligné le sous-comité Accréditation en vertu des principes de Paris.

Selon les porteurs de la réforme, l’objectif est de conformer la procédure de sélection des candidats aux principes de Paris et surtout procéder à la réduction de l’effectif des membres de la CBDH. 

Curieusement la nouvelle configuration de la CBDH laisse sur le carreau des acteurs au premier plan de la protection des droits humains. Egalement, le mode de désignation des nouveaux membres ne passe pas dans l’opinion. 

Pour son efficacité, au besoin la composition de la CBDH répond beaucoup plus à celle d’une commission technique ou d’expertise pour analyser certains sujets. Sa configuration actuelle laisse interrogatif, sur l’efficacité d’une telle commission, malgré l’expertise potentiel de ses nouveaux membres. Des acteurs sortis ont des reflexes dans le domaine et des réseaux relationnels qui vont au-delà des analyses d’experts  car au fait au quotidien de certaines réalités.

La CBDH aux mains des politiques ?

Avec les nouvelles dispositions,  un comité ad hoc de sélection, composé de trois membres à savoir un député désigné par le président de l’Assemblée nationale ; un conseiller de la Cour suprême désigné par le président de la Cour suprême et une personnalité désignée par le président de la République procède à la sélection des membres de la CBDH. La désignation des membres de la CBDH et leur renouvellement se font par appel public à candidatures et la procédure de sélection établie par ledit comité est publiée partout où besoin sera. Les membres de la commission portent le titre de commissaire et ont voix délibérative et siègent de manière permanente.

La composition de ce comité ad hoc de sélection laisse poindre une présence des 2/3 des membres désignés par les politiques, notamment le président de l’Assemblée et le chef de l’État. De quoi susciter des inquiétudes sur les clivages et accointances en cas de désignation des membres de la CBDH et leur renouvellement. Les politiques se retrouvant en amont et en aval, alors que les représentants du gouvernement et les députés ne devraient plus être membres des institutions nationales des droits de l’Homme.

Si  selon l’article 3 du protocole de Paris , obligation est faite à chaque Etat partie de mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture, la configuration actuelle qui n’inclue pas les acteurs au premier plan sur le terrain de la prévention avec la constitution d’un collège de spécialistes qui s’apparente à un organe technique reste loin de combler les attentes.

Les spécialistes constitués peuvent normalement être réquisitionnés pour les missions et commissions techniques au besoin.

Le Bénin ne risque-t-il pas avec cette nouvelle ossature de perdre sa notoriété qui a valu à la commission l’accréditation au statut « A » de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’Homme de l’institution ?

Avec cette reconnaissance décernée par le Système international de protection des droits de l’Homme le 15 mars 2023 à Genève, le pays a franchi un grand pas en matière de protection des droits de l’Homme reconnaissait-on à l’époque. Lorsque le 21 mars 2023 au Palais de la Marina, le président Patrice Talon recevait le président de la Commission Béninoise des Droits de l’Homme (CBDH)  suite à cet événement, « la Commission puisse continuer à faire son travail en toute intelligence, avec beaucoup de discernement et sans aucune influence pour permettre au Bénin de grandir et d’aller toujours de l’avant, parce qu’après tout c’est le Bénin qui compte » avait-il souhaité.

A l’observation de cette réforme, tout porte à croire que la commission risque de perdre sa superbe. « On ne  change pas l’équipe qui gagne, on la renforce », dit-on.

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