L’annonce a fait la une des médias au Bénin en marge de l’ouverture le lundi 15 avril dernier, de la première session ordinaire de l’année 2024 de l’Assemblée nationale.
Il s’agit de la proposition de loi relative à l’amnistie et/ou abandon de poursuites judiciaires au profit de personnalités politiques pour des faits criminels.
Si la programmation de cette loi déposée par le parti d’opposition Les Démocrates ainsi que 23 autres projets de lois inscrits à l’ordre du jour relève de la procédure parlementaire, conformément aux dispositions de l’article 87 de la Constitution, reprises par l’article 04 du Règlement intérieur de l’Assemblée ; son annonce avait tout un effet particulier.
Retoquée par la Commission des lois en janvier dernier par 17 voix contre, 6 pour et 0 abstention en raison de la configuration politique du parlement, et devant poursuivre sa course en plénière pour une délibération finale, sa programmation a fait suite à la vive tension née de la relecture du code électoral dans le pays.
Le jeu politique étant aussi celui de l’usure du temps, et qu’au pire les frustrations s’accumulant tel une bombe à retardement, une annonce du genre vient comme pour la désamorcer.
La tension sociopolitique partant en vrille aux lendemains de la première session extraordinaire de l’année 2024, suite au rejet de la proposition de loi à polémique portant révision de la Constitution de la République du Bénin; et l’adoption de la proposition de loi portant modification et complément de la loi 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code électoral en République du Bénin, le 5 mars 2024 par les députés du camp Talon.
Depuis lors, les amendements apportés au Code électoral suscitent le débat au sein de l’opinion publique et des partis, cristallisant l’attention.
Une opération déminage minée
L’ouverture de cette session qui a fait suite à l’adoption d’un code électoral révisé à polémique par la majorité parlementaire avait semblé être porteuse de lueur de décrispation malgré la configuration du parlement pas favorable à l’opposition initiatrice de la proposition de loi relative à l’amnistie et/ou abandon de poursuites judiciaires au profit de personnalités politiques pour des faits criminels.
07 députés de la mouvance avaient déjà voté contre la loi portant révision de la constitution, dans la nuit du 1er au 2 mars dernier, bien que portée par un des leurs, quoique leurs votes n’étant pas déterminant de son rejet (non recevabilité) dont l’opposition s’est faite le lead. Pris de court au lendemain de son avènement, le gain politique était reproché à l’opposition sur la paternité de cette loi par la mouvance détenant la majorité au parlement.
Le président Patrice Talon, chef de la mouvance avait quant à lui déclaré lors d’un entretien au palais de la Marina, le 27 novembre 2023 avec des responsables du parti d’opposition Les Démocrates, dont le président du parti Boni Yayi, n’être pas favorable à une grâce présidentielle ou soutenir une loi d’amnistie. « Parfois le pardon peut être une faute », avait-il soutenu. En décembre dans un entretien télévisé il est revenu sur ses griefs contre une telle loi.
Précédemment, le 27 juillet 2022, durant la visite au Bénin du président Français Emmanuel Macron, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) avait libéré et placé sous contrôle judiciaire 30 opposants politiques arrêtés en avril 2021 lors de la période d’élection présidentielle, marquée par des violences.
Le jeu politique étant celui des inconnus, des variables et des contingences, tout est possible. Il faut vivre longtemps pour voir une chose et son contraire, enseigne-t-on.
Entre attentes, évidences et realpolitik
Incarcérés en marge de la présidentielle de 2021 au Bénin, des étudiants, activistes politiques et militants de l’opposition sont toujours dans les liens de détention.
Lors de la rencontre entre le président Patrice Talon et le parti d’opposition les démocrates en novembre dernier, instruction a été donnée au ministre de la justice pour accélérer une procédure à l’endroit de certains dont des étudiants qui ont adressé des lettres ouvertes à plusieurs reprises au chef de l’État l’invitant à la clémence.
Mi-avril 2024 ce sont des procès qu’ont eu droit quelques détenus à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) avec fortunes diverses.
Du côté du parlement, rien ne semble osciller depuis l’annonce faite en marge de l’ouverture de la session. Mais celui qui est demandeur ne se lasse d’attendre. Peut être reste-t-il à savoir à quel prix ?
L’équation du compromis ou de la compromissionÂ
A l’annonce en ‘’fanfare’’ de la programmation de la proposition de loi relative à l’amnistie et/ou abandon de poursuites judiciaires au profit de personnalités politiques pour des faits criminels pour cette première session ordinaire de l’année 2024, Nouréni Atchadé, deuxième vice-président du parti Les Démocrates et président du Groupe parlementaire LD avait indiqué que rien n’avait évolué au sujet des discussions entre la mouvance et l’opposition sur le sujet. Au parlement constitué de 109 députés, l’opposition ne dispose que de 28.
A ce contexte vient s’ajouter le rejet le 23 Avril dernier du rapport d’activité du président du parlement Louis Vlavonou un des ténors de la mouvance pour la période du 1er octobre 2023 au 31 mars 2024. Motif avancé, le financement de travaux de réfection d’une salle d’audience et d’une partie du domicile privé du chef du parlement sur le budget de l’Assemblée nationale. Vingt-sept députés de l’opposition ont signé une requête aux fins de la création d’une commission parlementaire pour investiguer sur les tenants et aboutissants.
Sauf, changement de dernière heure, la mouvance semble regarder beaucoup plus vers 2026. Mieux, les leaders de l’opposition en détention, Reckya Madougou et Joël Aïvo dans le contexte politique actuel au Bénin se révèlent être de potentiels challengers, dont libres de tous mouvements et aptes à être en lice, augure d’une couleuvre à avaler pour la mouvance déjà plongée dans une crise de succession, et la quête de consolidation de son bilan.
Toutefois, rien n’est encore joué, puisque la libération de ces détenus et le retour des exilés comme le prévoit cette loi serait également un casse-tête chinois pour l’opposition qui devra affronter ses démons pour arrondir les angles de candidature et de positionnement de ses leaders pour les prochaines joutes, qui en présence peut donner lieu à des dissensions. Tout de même, ces actions auraient comme gain, le dégel de la tension sociopolitique à cette veille des élections générales de 2026 qui retient déjà toutes les attentions. Trop vouloir rogner sur le temps peut être également contre-productif pour la mouvance en témoigne le cours des évènements au Sénégal en mars dernier. Pour l’heure au parlement, le silence reste assourdissant sur ce dossier. Ce, tel surgit le jour après la nuit, ou tombe la nuit après le jour.