Reçu sur RFI, ce vendredi 14 mai 2021, l’ancien ministre béninois et exilé politique, Komi Koutché, a passé en revue l’actualité politique de son pays d’origine. Au micro de Christophe Boisbouvier, l’ex-collaborateur de Boni Yayi a dénoncé des arrestations arbitraires.
Komi Koutché pense que le Bénin n’a plus de justice républicaine, depuis la venue au pouvoir de Patrice Talon, en 2016. C’est ce qui ressort de son entretien accordé, ce vendredi, à RFI, alors qu’il évoquait l’emprisonnement des opposants, notamment Reckya Madoudou et Joël Aïvo.
Pour le président de la Coalition s’Engager pour le Bénin (CEB), la justice républicaine a été remplacée par la justice privée du président Patrice Talon. « Les cas Réckya Madougou et Joël Aïvo sont illustratifs », dit-il.
A l’en croire, il est reproché à Réckya Madougou d’avoir financé ses partisans pour 15 millions de francs CFA. « Vous voyez ce que ça fait pour une candidate d’un parti comme « Les Démocrates ». On lui reproche, pourquoi après le rejet de sa candidature, elle met 15 millions à la disposition de ses partisans », a-t-il dénoncé.
Komi Koutché poursuit en indiquant que le Bénin est un pays démocratique et la contestation est une vertu démocratique. « Je ne pense pas qu’il soit raisonnable et du bon sens qu’on reproche à une candidate de financer à 15 millions de francs CFA. Si vous convertissez en euro, vous verrez que c’est rien du tout, pour aller expliquer comment sa candidature a été rejetée, si tant est que la contestation est une vertu de la démocratie », va-t-il expliquer.
Du flou autour des faits reprochés à Aïvo?
En ce qui concerne le cas de Joël Aïvo, Komi Koutché rappelle qu’il lui est reproché le blanchiment de capitaux et l’appel à l’insurrection. « Si je prends l’aspect de blanchiment de capitaux, de façon terre à terre, ancien ministre des finances que je suis, un blanchiment suppose de l’argent gagné d’une origine criminelle et recyclé dans une fin objectivement justifiable », dit-il.
Mais, d’après l’ancien ministre de Boni Yayi, la source criminelle de l’argent qu’aurait gagné Joël Aïvo reste inconnue. C’est pourquoi, conclut-il, « en clair, il a été question d’embastiller les quelques rares têtes qui restaient encore et derrière lesquelles le peuple pouvait s’aligner si les élections étaient ouvertes ».
Toutefois, Komi Koutché rappelle que ce n’est pas uniquement Joël Aïvo et Réckya Madougou qui sont arbitrairement incarcérés.
« Mais si vous citez seulement les cas Joël Aïvo et Réckya Madougou, c’est que vous taisez les près de 500 arrestations extra-judiciaires qu’il y a eues depuis que cette parodie d’élection a été organisée… »
Komi Koutché
Sur l’arrestation de Reckya Madougou et Joël Aîvo
Reckya Madougou, candidate recalée de « Les Démocrates » à la présidentielle du 11 avril 2021, a été arrêtée, le 3 mars 2021, sur le pont de Porto-Novo, alors qu’elle quittait une sortie médiatique.
Auditionnée par le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), le magistrat Mario Mètonou, et ensuite au niveau de la Brigade économique et financière (BEF), Reckya Madougou a été finalement déposée à la prison civile de Missérété.
Depuis son incarcération, ses conditions de détention font l’objet de beaucoup de commentaires, aussi bien de la part de ses camardes « Les Démocrates » et du Front pour la restauration de la démocratie (FRD), que des activistes du net; un sujet, d’ailleurs, évoqué par l’un de ses avocats sur RFI.
De son côté, Joël Aïvo a été arrêté, jeudi 15 avril 2021, à hauteur de Godomey Togougo, dans une embuscade alors qu’il quittait les cours à l’Université d’Abomey-Calavi.
Présenté au procureur spécial de la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (Criet), le vendredi 16 avril, Frédéric Joël Aïvo a été placé en détention provisoire avec 3 autres personnes pour atteinte à la sûreté de l’Etat et blanchiment de capitaux.
Comme pour toutes les personnes en prison pour les manifestations électorales, son procès est prévu pour le 15 juillet 2021.