Adopté le 31 mai 2018, le nouveau Code pénal du Burkina Faso avait aboli la peine de mort pour les crimes ordinaires, marquant une avancée notable dans la protection des droits humains. Pourtant, six ans après, le pays semble prêt à faire volte-face.
Les autorités militaires au pouvoir à Ouagadougou envisagent de réintroduire la peine capitale dans le Code pénal. C’est le ministre de la Justice qui, le 8 novembre 2024, a annoncé cette intention devant les députés de l’Assemblée législative de transition, lors de l’adoption d’un projet de loi sur les travaux d’intérêt général. Ce retour de la peine capitale s’inscrit, selon ses explications, dans la vision et les instructions du chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré.
Dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu, cette décision suscite des controverses, d’autant que la tendance générale en Afrique subsaharienne est à l’abolition de la peine de mort.
Une initiative aux motifs flous ?
Avant son abolition, la dernière condamnation à mort au Burkina Faso remonte à 1988. Bien que les détails du projet restent à préciser, des observateurs estiment que cette réforme viserait à punir des infractions liées au terrorisme, à la trahison, à l’intelligence avec des puissances étrangères, ou encore à l’atteinte à la sûreté de l’État. Ces accusations, régulièrement utilisées par les nouvelles autorités, alimentent l’idée d’une instrumentalisation de la justice.
L’instauration de la peine capitale ressemble à une épée de Damoclès suspendue au-dessus de quiconque contreviendrait aux orientations du régime. Mais cette mesure soulève des inquiétudes sur les motivations réelles des autorités. Dans un contexte de régime militaire, où l’indépendance du pouvoir judiciaire est souvent fragilisée, il y a des risques accrus d’arbitraire.
Une menace pour les droits humains ?
Dans de nombreux pays, la peine de mort est perçue comme une violation du droit à la vie, un droit fondamental. Elle est souvent comparée à une forme de vindicte populaire, incapable de régler durablement les problèmes et risquant de condamner des innocents.
Dans le contexte spécifique du Burkina Faso, où les actes terroristes sont menés par des individus volontaires pour mourir, la peine capitale risque d’être inefficace. Pire encore, elle pourrait exacerber la situation en stimulant le recrutement de nouveaux terroristes, séduits par des promesses de prise en charge de leurs familles après leur mort.
Des experts soulignent que de telles dispositions pourraient envenimer la situation sécuritaire déjà complexe du pays, aggravant le cycle de violence au lieu de l’endiguer.
Un détour des priorités ?
Réintroduire la peine de mort pourrait poser plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Dans un climat marqué par des accusations fréquentes de trahison ou d’intelligence avec des puissances étrangères, cette mesure pourrait museler des citoyens, des journalistes et des acteurs de la société civile, limitant ainsi la liberté d’expression et d’opinion.
Pour dissuader ceux qui menacent l’intégrité du pays, il serait plus stratégique de démontrer par des initiatives concrètes qu’ils ont fait le mauvais choix, plutôt que de recourir à une peine capitale aux effets contre-productifs. Condamner à la peine maximale, telle qu’une réclusion à perpétuité, apparaît comme une alternative plus appropriée dans un État qui aspire à des normes plus élevées de justice et de droits humains.
Face aux défis qu’elles rencontrent, les nouvelles autorités doivent faire preuve de lucidité et éviter de céder à des impulsions répressives. Comme le dit un proverbe, « La crainte du souverain réside dans sa capacité à dominer ses émotions. » Il leur revient de faire preuve de sang-froid pour éviter de reproduire les exactions comme celles qu’elles dénoncent.