À un an des élections générales de 2026, le code électoral adopté le 5 mars 2024 par les députés de la majorité présidentielle fait couler beaucoup d’encre. Malgré des points soulevés avec pertinence dans l’opinion publique, la mouvance au pouvoir semble privilégier des calculs politiques à court terme plutôt que l’intérêt général.
Depuis quelques années, le discours sur les réformes politiques au Bénin s’accompagne de dispositions jugées cosmétiques. Le code électoral relu en mars dernier ne fait pas exception, laissant des lacunes importantes qui freinent le développement démocratique. Pourtant, des promesses de relecture avaient été faites, notamment lors de la campagne des législatives de 2023.
Parmi les dispositions les plus controversées figure l’instauration de maires désignés, mise en place par la loi n°2020-13 du 4 juin 2020. Cette mesure, adoptée dans un contexte spécifique, persiste aujourd’hui malgré les critiques. Même la demande de correction formulée par la Cour constitutionnelle le 4 janvier 2024, visant à résoudre les chevauchements électoraux et les questions de parrainage, est restée lettre morte.
Pire encore, la désignation discrétionnaire de chefs de quartier et de village par certains partis politiques, sans la moindre élection, aggrave les inquiétudes.
Un acte antidémocratique légalisé ?
En démocratie, la désignation des responsables politiques passe par des élections. Si le mandat confié à un parti peut inclure certaines prérogatives, il ne devrait jamais permettre de contourner le choix populaire pour des postes représentatifs.
Le mécanisme actuel de nomination discrétionnaire, sans consultation électorale, rappelle des pratiques d’un autre temps. Il est étrange de voir des candidats se battre pour être élus conseillers communaux ou municipaux avec l’ambition de devenir maires, pour finalement se voir attribuer ces postes sans validation populaire. Cela soulève une question essentielle : comment garantir responsabilité et redevabilité dans de telles conditions ?
L’élitisme politique en déclin ?
Le Bénin, autrefois salué pour sa Constitution de 1990 issue de la Conférence nationale, fait face à un affaiblissement de ses principes démocratiques. La révision constitutionnelle de 2019, menée par les députés de la mouvance, a ouvert la voie à des dérives.
Certaines dispositions du code électoral actuel, malgré les recommandations de la Cour constitutionnelle, restent inchangées. Ces omissions alimentent les accusations d’instrumentalisation de la loi pour des gains politiques.
Le contraste avec d’autres pays est frappant. Au Sénégal, par exemple, les élections présidentielles et législatives anticipées ont permis de reconfigurer les équilibres de pouvoir, offrant une majorité au nouveau régime. Au Bénin, en revanche, le code électoral semble taillé pour garantir une majorité parlementaire sans considération pour la volonté populaire.
Dans une démocratie, gouverner ne signifie pas contrôler tous les leviers du pouvoir. Une opposition forte et un parlement pluraliste sont essentiels pour garantir un équilibre. Pourtant, les modifications du code électoral traduisent une volonté de centralisation, incompatible avec les principes démocratiques.
Avancées ou régressions ?
Même durant la période révolutionnaire, le Bénin a maintenu des élections pour des fonctions politiques représentatives. Il est donc paradoxal qu’après plus de 60 ans d’indépendance et 30 ans de renouveau démocratique, le pays amorce un retour en arrière.
La désignation discrétionnaire de responsables, sous couvert de légalité, érode la vitalité démocratique. Si l’option de maires désignés avait été présentée en 2020 comme une mesure exceptionnelle, sa reconduction, combinée à l’absence d’élections pour les chefs de quartier, est difficile à justifier. D’autant plus que le paysage politique a évolué depuis, et les échéances électorales de 2026 approchent.
Un tel mécanisme, qui élimine toute compétition électorale réelle, n’a pas sa place en démocratie. Il risque de miner la confiance des citoyens et de ternir l’image d’un pays autrefois cité en exemple. Comme le dit un proverbe chinois : « Dans un bateau qui navigue à contre-courant, qui n’avance pas recule. »