Apres une huitième législature qui a fait du contrôle de l’action gouvernementale le parent pauvre d’une législature prolifique en texte de lois, l’avènement de la neuvième législature est apparu au Bénin comme une bouée de sauvetage. A l’exercice, certains signaux ne manquent de laisser perplexe.
Environ 18 mois après son installation, le 12 février 2023, la neuvième législature au Bénin peine à combler les attentes sur bien de points. Celui du contrôle de l’action gouvernement transparait comme un boulet, dont l’institution a du mal à s’en débarrasser.
Au cours de la précédente législature, à celle qui a cours, dans le pays, des députés qui ont adopté des lois au parlement sont allés en demander l’explication à des institutions devant les mettre en application. De quoi rebuter l’opinion sur le travail législatif, avec des lois qui se sont révélées inopérantes voir chrysogènes, et d’autres appelées à être relues après avoir passé le contrôle de constitutionnalité et promulguées.
L’entrée timide de l’opposition représentée par un quart de députés au parlement béninois à la neuvième législature, à la suite de la situation conjoncturelle de 2019 avec un parlement taxé de « monocolore » à la huitième, car constitué uniquement de deux partis de la mouvance à l’assemblée, a apporté un regain d’espoir sur le contrôle de l’action gouvernementale. Cependant, cela a comme un arrière-gout.
Mauvais virage ?
A la veille des législatives de 2023 qui ont permis l’élection des députés de la neuvième législature, lors des débats télévisés durant la campagne, accusés de n’avoir pas exercé pleinement leur prérogative de contrôle de l’action gouvernementale, notamment la mise en place de ‘’Commissions parlementaires d’information, d’enquête et de contrôle’’, un des députés d’un des partis de la mouvance a reconnu que le budget affecté à ce volet était dans une proportion congrue. Ils s’y sont exercés à la mesure des moyens suivant ses allégations en conduisant entre autres, une mission d’audit du Conseil national des chargeurs du Bénin (CNCB) en 2022, qui sera dissout par la suite par le gouvernement.
Malgré ce constat, l’adoption du budget de l’assemblée nationale n’a pas connu une consistance de ressources affectées à ce volet, au renouvellement du parlement. Et pourtant, c’est le parti de ce dernier qui s’en sort avec le plus de députés à l’assemblée.
Depuis l’avènement de la neuvième législature, aucune commission d’enquête parlementaire n’a été mise en place. Les députés se sont contentés de questions orales et écrites ou d’actualité. Pour enfoncer le clou, ceux de la mouvance se sont plutôt illustrés aux côtés du gouvernement lors de tournées dites de reddition de compte. Toutefois, ils se félicitent d’exercer leur prérogative de contrepouvoir.
Un bilan trompe-l’Å“il ?
Selon l’Article 113 de la Constitution béninoise, le gouvernement est tenu de fournir à l’assemblée nationale toutes explications qui lui seront demandées sur sa gestion et sur ses activités. Les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée nationale sur l’action gouvernementale sont : l’interpellation conformément à l’article 71 de la Constitution (Le Président de la République ou tout membre de son Gouvernement peut, dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales, être interpellé par l’Assemblée nationale. Le Président de la République répond à ces interpellations par lui-même ou par l’un de ses ministres qu’il délègue spécialement devant l’Assemblée nationale. En la circonstance, l’Assemblée nationale peut prendre une résolution pour faire des recommandations au Gouvernement.); la question écrite ; la question orale avec ou sans débat, non suivie de vote; la commission parlementaire d’enquête.
La constitution dans cette disposition précise que ces moyens s’exercent dans les conditions déterminées par le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Au cours de la première session ordinaire de l’année 2024 à l’Assemblée nationale du Bénin, les députés ont exercé durant de cette période un contrôle dit «Â rigoureux »  de l’action gouvernementale.
Au total, deux questions d’actualité ont été examinées, portant notamment sur les violences policières et l’acquisition de la nationalité béninoise par naturalisation. A cela s’ajoute seize questions orales et seize décrets de ratification qui ont été traités. La vente de boissons frelatées, la délocalisation de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) de Porto-Novo, sont entre autres discussions.Â
Curieusement, l’opinion n’en a rien perçu de significatif, hormis des initiatives relayées à profusion, et des débats dont on ne saurait occulter l’importance dans l’animation de la vie politique d’un pays et le des ballets de membres du gouvernement au parlement.
Echec et mat ?
Le 30 avril 2024, 27 députés de l’opposition (Les Démocrates) ont déposé une note pour exprimer leur consternation afin de mettre en branle une commission d’enquête contre le président du parlement béninois.
Une initiative prise après avoir examiné le rapport du président de l’Assemblée nationale, Louis Vlavonou, couvrant la période allant du 1er octobre 2023 au 31 mars 2024.
Ils ont découvert qu’une somme de trente millions quatre-cent vingt-neuf mille trois cent dix francs (30 429 310) FCFA avait été décaissée pour la rénovation de la salle d’audience et du domicile privé du président.
De plus, ils ont appris que d’autres dépenses privées du président avaient été incluses dans le budget de l’Assemblée nationale. De suite, le dossier n’en connaitra. Fait de la configuration politique du parlement ou pur hasard ? On peut aisément se faire son idée.
A l’adoption du rapport du président du parlement, le 23 avril 2024, Louis Vlavonou avait justifié l’utilisation des ressources publiques pour la rénovation de sa salle d’audience et de son domicile privé.
De ses explications, les présidents d’institutions au Bénin ont droit à un logement équipé qui sert de domicile officiel. Aussi a-t-il affirmé que lors du changement de président à chaque législature, il est nécessaire de renouveler le mobilier du domicile officiel. Logique dans laquelle s’inscrit la rénovation de son domicile privé. Des explications qui n’ont pas convaincu certains députés, notamment ceux de l’opposition.
Certains soutiens sont allé jusqu’à juger de ridicule le montant destiné à cette charge, sur laquelle porte la préoccupation de ces députés, avançant des arguments à tomber à la renverse.
Vers une banalisation ?
Au Bénin, le contrôle de l’action gouvernementale tend à une banalisation, voir juste une formalité à remplir quand on se réfère à son champ d’exercice de prédilection par les parlementaires et la suite qui y est donnée. Ce qui laisse friser juste un show politique ou un tremplin pour le gouvernement d’aller répondre à quelques questions et « basta » !
Suite au tôlé créé par le rappel de l’ananas fruit exporté du Bénin sur le marché français, de deux circuits de distribution le 1er juin 2024 après une expédition de 250 cartons totalisant 3,35 tonnes ; en application des dispositions de l’article 110 du règlement Intérieur de l’assemblée Nationale, le gouvernement a été invité à répondre à une dizaine de questions par un député de l’opposition.
Alors que des Béninois s’indignent et s’interrogent sur ce qu’ils ingurgitent au quotidien dans leurs assiettes, s’il n’a fallu que la France réagisse, avant que des mesures ne soient prises au point de relever le Directeur Général de l’Agence Béninoise de la Sécurité Sanitaire des Aliments (ABSSA), de ses fonctions.
Car, pour eux, si les autorités politiques et administratives peuvent avoir les moyens d’aller se soigner et mieux à l’extérieur, ce n’est pas le cas pour les citoyens lambda. Encore qu’aujourd’hui la prise en charge de certains traitements comme la dialyse reste un sujet préoccupant.
Comme un gout d’inachevé ?
A moins de vouloir passer pour des gens laborieux, le contrôle de l’action gouvernementale dans un contexte républicain ne peut pas se mesurer au kilo. Mais plutôt à l’efficacité de l’action menée avec des conséquentes évidentes de la mise en branle d’un tel mécanisme qui non seulement vise à renforcer la séparation des pouvoir mais aussi assainir la gouvernance publique, afin qu’elle soit résolument au service des populations.
Se contenter de questions écrites, orales ou d’actualité, si on peut se réjouir de l’initiative quand cela est quasi absent dans un passé récent peut être un motif de satisfaction. Cependant, qu’il y en a à foison, n’est pas l’expression de ce que l’action publique est passée au peigne fin par des parlementaires. Bien qu’il est louable de se rendre compte que ces derniers prennent l’initiative de s’autosaisir de chaque situation préoccupante, il est à attendre pour raison d’efficacité d’aller au-delà pour la mise en place de ‘’Commissions parlementaires d’information, d’enquête et de contrôle’’, afin de corriger le tire.
Sinon pour beaucoup, le contrôle de l’action gouvernementale, réduit à des parlottes sans grands impacts conséquents semble plus à une distraction de mauvais gout de l’opinion et du contribuable Béninois qui doit « serrer la ceinture » et payer des taxes sur des comprimées à la pharmacie pour soigner un mal de tête ou encore le paludisme.
Au regard de la proportion congrue et du manque d’investissement consenti dans le control efficace de l’action gouvernementale, « si le contrôle coute cher, essayons la vacuité ».