Au Bénin, l’Agence Nationale d’Identification des Personnes (ANIP) a introduit des outils innovants tels que le certificat d’Identification Personnelle (CIP), la carte biométrique, et l’acte de naissance sécurisé. Ces services répondent à des besoins cruciaux de reconnaissance identitaire, d’accessibilité aux services et de sécurité.
Après 7 ans, quel est le bilan de l’Agence Nationale d’Identification des Personnes (ANIP), créée par la loi n°2017-08 du 19 juin 2017 portant identification des personnes physiques en République du Bénin?
Une succes story en construction à l’ANIP
Émile Dansou, réside à Louakpa, un hameau de la commune de Ouinhi (115 km au nord-est de Cotonou). De son lieu de résidence, il accède aux plateformes de l’ANIP pour obtenir ses actes administratifs. « L’avènement des actes délivrés par l’ANIP m’a facilité l’obtention des pièces surtout administratives, la réduction des coûts d’obtention des documents d’état civil, et cela réduit la corruption de certains agents administratifs cupides », se soulage-t-il.
Comme lui, Richie Akuegnon se réjouit de la digitalisation des services administratifs. Aujourd’hui, il n’a plus besoin de se rendre dans son village avant d’obtenir son acte de naissance ou son casier judiciaire. « Je peux le faire moi-même, sur place et à moindre coût », soutient-il.
Pour Serge Dèfodji, acteur de la société civile, l’ANIP a grandement facilité les démarches administratives au Bénin. Les citoyens peuvent désormais obtenir des actes d’état civil comme l’acte de naissance, le casier judiciaire, ou le passeport de manière plus rapide et plus sécurisée. Cela a réduit les risques de fraudes et d’inefficacité dans les processus administratifs. « Les documents sont mieux sécurisés, ce qui protège l’identité des citoyens », a-t-il confié.
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En effet, avant le Recensement Administratif à Vocation d’Identification de la Population (RAVIP) suivie de la création de l’ANIP, l’accès aux services administratifs était plus long et plus complexe.
Abègnonhou Sylvain Viahouandé, promoteur de l’entreprise AS LA LUMIÈRE spécialisée dans les finances digitales, l’informatique et le numérique, président de l’Association des Marchands Mobile Money du Borgou (AsMMo-Borgou) a indiqué que l’ANIP participe depuis sa création à l’élimination des pertes de temps et longues files d’attente dans les mairies et arrondissements, l’élimination des raccommodements pour obtenir les actes administratifs et surtout à la durée excessive que prenait la délivrance de ces actes.
« Nous ne sommes plus confrontés aux contraintes de se rapprocher physiquement d’un arrondissement ou d’une mairie avant l’obtention des actes administratifs, le coût très abordable désormais pour un service presque automatique et la possibilité d’avoir ces documents même de son lit dès lors que l’on a accès à Internet et que son compte de mobile money a du solde ainsi que l’accès facile à la plateforme 24h/24 sont à saluer. »
Cependant, malgré ces avancées indéniables qui témoignent de l’engagement de l’ANIP à moderniser les services administratifs, certaines lacunes subsistent, compliquant parfois l’expérience des usagers dans l’accès aux services.
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Des obstacles à l’efficacité des services de l’ANIP
C’est le cas de Serge Dèfodji qui est souvent confronté à des problèmes de connexion ou d’accessibilité aux sites internet dédiés. « Il y a aussi des situations où les informations personnelles ne sont pas correctement enregistrées ou mises à jour, créant des complications pour les démarches administratives », a-t-il ajouté.
Il soutient qu’un citoyen dont les données sont erronées risque de rencontrer des problèmes dans ses démarches administratives, comme la délivrance d’un passeport, la carte d’identité ou l’inscription à des services publics.
Abègnonhou Sylvain Viahoundé est souvent confronté à des difficultés de protection des données. « Il y a le danger qu’une personne tierce se fasse établir des actes d’autrui sans le consentement de ce dernier, surtout avec nos parents analphabètes », a-t-il déploré.
Chez lui, les difficultés sont légion. « En cas de défaillance de la plateforme de l’Anip, parfois l’usager paie pour un acte mais n’arrive pas à télécharger le document et il n’y a pas de service d’assistance fiable en ligne fiable », a-t-il évoqué.
Et l’innovation numérique rencontre ses limites à l’ANIP
Pour mieux comprendre ces difficultés persistantes, il est essentiel de se pencher sur les causes sous-jacentes. Ces défis rencontrés par les usagers pourraient être attribués à divers facteurs structurels, technologiques ou organisationnels qui impactent la qualité et l’efficacité des services offerts par l’ANIP.
Sartunin Houngbadji, journaliste béninois, a fait un petit rappel de l’origine des erreurs sur les actes administratifs sécurisés. « Lors des enrôlements, notamment le premier enrôlement, entre 2017 et 2018, il y a des agents enrôleurs qui ont manqué de rigueur, (…) ou ce sont des noms de famille qui sont mal écrits, des prénoms mal écrits, des actes de naissance mal transcrits, des lieux de naissance qui ne sont pas en concordance avec ce qui est inscrit sur les actes de naissance », a-t-il dénoncé.
« L’autre problème que moi, personnellement, j’ai constaté, c’est que sur les actes de naissance, il y a un problème de signature qui se pose. Je ne sais pas si c’est automatique lors de l’enrôlement, mais lorsque les agents enrôleurs se rendent compte que celui ou celle qu’ils ont devant eux a du mal à reproduire sa signature, j’ignore comment ça se fait, mais sur plusieurs CIP, ils mettent le même signe comme signature à l’endroit où il est écrit ‘titulaire », fait-il remarquer.
Par conséquent, les usagers en font les frais parce qu’ils ont une signature qu’ils font d’habitude. Ils se présentent dans une structure financière pour faire une opération, naturellement, ils font leur signature, mais on leur dit « non », vous avez une autre signature sur la carte CIP. Or ce qui est sur la carte CIP n’est justement pas leur propre signature.
L’autre cause évoquée par Sartunin Houngbadji, c’est celle liée au problème de numéros de téléphone. « Lorsqu’on faisait les enrôlements, il y a des gens qui n’avaient pas de numéro de téléphone, il y a des gens qui avaient des numéros de téléphone mais qui aujourd’hui ne les utilisent plus. Le code pour ouvrir le document vient sur quel numéro alors ? Donc, si on ne donne pas la main aux gens pour faire des mises à jour, c’est qu’il y aura toujours des problèmes », a-t-il justifié.
Il continue : « Aujourd’hui, si votre numéro de téléphone n’est pas au niveau de l’ANIP ou si le numéro de téléphone que vous utilisez actuellement n’est pas exactement celui qui est à l’ANIP, vous ne pouvez plus aller faire des demandes en ligne. À quoi bon de demander aux gens d’aller faire des demandes en ligne s’ils ne peuvent pas avoir accès aux documents et qu’ils sont encore obligés de se déplacer vers l’ANIP pour débloquer le document ? », se désole le journaliste.
Cette situation est d’autant plus désolante quand on sait qu’aujourd’hui, au Bénin, ce sont les actes délivrés par l’ANIP qui font foi. De plus en plus, c’est ce qui est recommandé dans les pièces, et lorsque ces actes portent des fautes, il est impossible d’en faire usage.
Bilan et promesses numériques
Selon des statistiques dévoilées par la ministre béninoise du Numérique et de la Digitalisation, Aurelie Adam Soulé Zoumarou, dans un entretien accordé à l’Agence Ecofin le jeudi 19 décembre 2024, plus de 210 services publics béninois sont entièrement dématérialisés, accessibles via la plateforme officielle www.service-public.bj.
« L’ambition que nous portons aujourd’hui sous l’impulsion du président Patrice Talon et avec l’engagement des acteurs du secteur reste claire : positionner le Bénin comme le hub numérique de l’Afrique de l’Ouest. Cet objectif se décline en plusieurs axes. Il s’agit non seulement de devenir une référence dans la fourniture de services digitaux, mais aussi de développer les compétences humaines nécessaires pour accompagner cette ambition », a confié la ministre du Numérique et de la Digitalisation, Aurelie Adam Soulé Zoumarou.
Mieux, elle entend oeuvrer pour une transformation numérique dynamique, capable de s’adapter aux défis futurs sans jamais rester figée. « C’est une démarche globale que nous mettons en Å“uvre, en étroite collaboration avec le secteur public, le secteur privé et nos partenaires au développement »,a-t-elle expliqué.
Dans le cadre de la rédaction de cet article, toutes nos tentatives pour avoir l’avis de l’ANIP sont infructueuses à ce jour. Les responsables à divers niveaux contactés ont promis de nous revenir après l’autorisation de leur hiérarchie.