À la barre, le Colonel Dieudonné Tévoédjrè, commandant de la garde républicaine, a livré un témoignage détaillé sur ses interactions avec l’ancien ministre Oswald Homéky, qu’il accuse d’avoir tenté de le rallier à un projet de coup d’État. Son récit, précis et chronologique rapporté Banouto, retrace plusieurs rencontres qui auraient eu lieu entre mai et août 2024.
L’officier a débuté sa déposition en rappelant ses fonctions, affirmant qu’il occupe son poste de commandant de la garde républicaine depuis juillet 2016, avec pour mission d’assurer la sécurité du Chef de l’État, de sa famille et des membres du gouvernement. Il a également souligné sa proximité avec Oswald Homéky, qu’il a décrit comme le ministre avec lequel il avait le plus de familiarité, allant jusqu’à le tutoyer.
Les premières rencontres: critiques contre le Chef de l’État
Selon le Colonel Tévoédjrè, tout a commencé le 30 mai 2024, lors d’une soirée au domicile d’Oswald Homéky. L’ancien ministre aurait profité de cette rencontre pour critiquer vivement le Chef de l’État, parlant de ses propres frustrations et déplorant ses conditions. Homéky aurait déclaré que Tévoédjrè était « le commandant de garde républicaine le plus pauvre au monde ».
Une seconde rencontre aurait eu lieu le 30 juin 2024, toujours chez Homéky. Ce soir-là, l’ancien ministre aurait poursuivi ses critiques contre Patrice Talon, tout en offrant une somme de 5 millions de FCFA au Colonel Tévoédjrè. Selon le commandant, Homéky aurait affirmé avoir reçu 10 millions et décidé de partager cet argent avec lui.
Une proposition alléchante
Lors d’une troisième rencontre, le 7 juillet 2024, Homéky aurait parlé d’une « opportunité » pour améliorer les conditions de vie de Tévoédjrè. Puis, le 30 juillet 2024, à la veille de l’anniversaire de l’ancien ministre, le commandant aurait eu des appréhensions plus nettes. Ce soir-là, Homéky aurait évoqué explicitement un projet de coup d’État.
L’ancien ministre aurait avancé comme justification une prétendue volonté du président Patrice Talon de se maintenir au pouvoir au-delà de 2026, date de la fin de son second mandat. Tévoédjrè a rapporté avoir acquiescé sans trop de détails, tandis que Homéky cherchait à identifier les unités et chefs militaires qui pourraient s’opposer au plan.
Préparatifs et budget du coup d’État
Une cinquième rencontre aurait eu lieu le 27 août 2024. Cette fois-ci, Homéky aurait poursuivi ses critiques contre Talon, mentionnant notamment l’arrestation de Steve Amoussou, alias Frère Hounvi, qu’il aurait présentée comme une preuve de la volonté du Chef de l’État de rester au pouvoir.
Lors de cette soirée, un budget de 1,5 milliard de FCFA aurait été évoqué pour financer le coup d’État. Selon Tévoédjrè, cet argent aurait servi à « désintéresser » les chefs militaires et à assurer la survie des participants en cas d’échec.
Le plan initial prévoyait de lancer l’opération le 30 septembre 2024, veille du départ de Patrice Talon pour un sommet international. Cependant, un changement dans l’agenda présidentiel aurait contraint les instigateurs présumés à avancer la date au 27 septembre 2024.
L’arrestation et la fin des préparatifs
Le 23 septembre 2024, Homéky aurait informé Tévoédjrè que les fonds étaient disponibles. Le Colonel s’est alors rendu chez l’ancien ministre, où il aurait reçu la clé d’un véhicule contenant l’argent. Mais avant que le coup ne puisse se concrétiser, les forces de l’ordre sont intervenues et ont mis fin aux supposés préparatifs.
Selon Tévoédjrè, les discussions avec Homéky incluaient des détails sur les étapes du coup, notamment une transition dirigée par le Colonel lui-même en tant que chef de la junte militaire, jusqu’à la tenue d’élections en 2026.
Un témoignage accablant pour Homéky
Le récit du Colonel Tévoédjrè, livré dans un ton précis et méthodique, éclaire davantage les accusations portées contre Oswald Homéky dans cette affaire. Cependant, Tévoédjrè a également affirmé n’avoir jamais discuté de ce projet avec Olivier Boko, coaccusé dans le dossier.
Alors que le procès se poursuit, les révélations du commandant de la garde républicaine ajoutent un poids supplémentaire aux charges pesant sur l’ancien ministre des Sports. Ces déclarations mettent en lumière les tensions et intrigues au sein des cercles proches du pouvoir et laissent entrevoir l’ampleur des enjeux politiques autour de cette affaire.